Linguística e Tecnologia

CLASSIFICATION DES SUJETS ABORDÉS DANS DIX MANUELS DE RÉDACTION WEB: VERS UN OUTIL DE RÉFÉRENCE POUR L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE

CLASSIFICAÇÃO DE ASSUNTOS ABORDADOS EM DEZ MANUAIS DE REDAÇÃO WEB: RUMO A UMA FERRAMENTA DE REFERÊNCIA PARA ENSINO UNIVERSITÁRIO

CLASSIFICATION OF SUBJECTS IN TEN WEB WRITING MANUALS: TOWARDS A REFERENCE TOOL FOR TEACHING AT THE UNIVERSITY

Marie-Josée Goulet
Université du Québec en Outaouai, Canadá
Christine Fournier
Université du Québec en Outaouais, Canadá

CLASSIFICATION DES SUJETS ABORDÉS DANS DIX MANUELS DE RÉDACTION WEB: VERS UN OUTIL DE RÉFÉRENCE POUR L’ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE

Texto Livre: Linguagem e Tecnologia, vol. 9, n° 1, pp. 1-12, 2016

Universidade Federal de Minas Gerais

Reçu: 09 Mars 2016

Accepté: 19 May 2016

Résumé: Cet article présente une classification des sujets spécifiques abordés dans dix manuels de rédaction Web. Le résultat de la classification constitue une liste pratique de sujets généraux pouvant servir de base à l’enseignement de cette matière à l’université. Cette partie de l’analyse révèle notamment que l’expertise rédactionnelle est présente dans les manuels. Ainsi, la rédaction Web pourrait-elle être considérée comme une forme de rédaction professionnelle? En outre, l’analyse qualitative révèle que sept sujets spécifiques sont communs aux manuels du corpus, par exemple: l’hypertexte et la pertinence du contenu, ce qui suggère qu’un noyau de connaissances est en train de s’établir dans ce domaine. En conclusion, l’étude des dix manuels confirme que la rédaction Web est complexe et multidisciplinaire.

Mots clés: rédaction Web, enseignement de la rédaction Web, écriture Web, hypertexte, sites Web.

Resumo: Este artigo apresenta uma classificação de temas específicos em dez manuais de redação Web. O resultado da classificação é uma lista prática de tópicos gerais que podem servir de base para o ensino do tema na universidade. Essa parte da análise revela especialmente que a competência editorial está presente nos manuais. Assim, a redação na Web pode ser considerada uma forma de escrita profissional? Além disso, a análise qualitativa revela que sete temas específicos são comuns aos manuais do corpus, por exemplo: hipertexto e relevância do conteúdo, o que sugere que um núcleo de conhecimentos está sendo estabelecido nessa área. Em conclusão, o estudo de dez manuais confirma que a escrita na Web é complexa e multidisciplinar.

Palavras-chave: redação na Web, ensino de redação na Web, escrita na Web, hipertexto, sites Web.

Abstract: This article presents a classification of specific topics in ten Web writing manuals. The result of the classification is a practical list of general topics which can be the base to the teaching of the theme at the university. This part of the analysis reveals that the editorial expertise is present in the manuals. Thus, can writing on the web be considered as a kind of professional writing? In addition, the qualitative analysis shows that seven specific topics are common to the corpus manuals, for example hypertext and content relevance, suggesting that core knowledge is being established in this domain. In conclusion, this study of ten textbooks confirms that Web writing is complex and multidisciplinary.

Keywords: Web writing, Web writing instruction, writing for the Web, hypertext, Websites.

1 Introduction

À l’instar de nombreuses autres activités humaines, la rédaction se transforme sous l’influence des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). L’une des plus évidentes manifestations de cette transformation est la rédaction ou l’adaptation de contenus pour le Web. Suivant cette évolution, une nouvelle matière – la rédaction Web – est désormais enseignée dans certains programmes universitaires canadiens (GOULET; PELLETIER, 2014). Cet alignement des programmes universitaires s’explique, entre autres, par la nécessité pour les professionnels de ces secteurs d’activités de posséder un ensemble multidisciplinaire de compétences liées au Web (DUMAS, 2009; SCHRIVER, 2012; BEAUFORT, 2008).

Mais comment enseigner la rédaction Web à l’université? À notre avis, il ne s’agit pas uniquement de présenter les plus récentes tendances ou d’inculquer de « bonnes pratiques », mais aussi de transmettre des bases théoriques sur lesquelles les rédacteurs professionnels pourront s’appuyer pour conseiller leurs clients ou pour créer des contenus Web de qualité. De plus, au-delà de cette vision marchande de l’université, cette dernière ne devrait-elle pas former des rédacteurs capables de critiquer le Web et d’en être de véritables acteurs? Ainsi, dans le but d’arrimer la formation universitaire avec les besoins de la société, d’une part, et dans le but d’offrir une formation universitaire adéquate, d’autre part, il nous est apparu impératif de réfléchir aux sujets que nous devrions aborder dans nos cours de rédaction Web. Cet article vise donc à dresser une liste pratique de sujets généraux pertinents pour l’enseignement de la rédaction Web, à partir d’une analyse des sujets spécifiques abordés dans 10 manuels de rédaction Web. Comme deuxième objectif, cet article vise à déterminer si des sujets incontournables peuvent être dégagés. Cette approche sous-entend que les manuels sont rédigés par des experts et que nous pouvons nous fier sur leur expertise dans la préparation d’un cours de rédaction Web destiné à des étudiants universitaires. En plus de combler un vide épistémologique flagrant, l’étude présentée dans cet article propose des pistes concrètes qui pourront éventuellement permettre de pallier le manque de ressources pédagogiques fiables pour l’enseignement de la rédaction Web à l’université.

Voici le plan de l’article. Dans la section suivante, nous présentons l’état de la question et la problématique. Ensuite, nous décrivons la méthodologie. Puis, nous exposons les résultats et en discutons. Enfin, dans la conclusion, nous résumons les principales découvertes et énonçons quelques pistes de recherche en lien avec ces résultats.

2 État de la question et problématique

Dans cet article, le terme rédaction Web englobe toutes les formes de rédaction pour le Web et dans le Web. Ainsi, notre définition de la rédaction Web va de la création de sites Web à la publication de messages dans les médias sociaux, en passant par la composition de billets de blogue. Cette définition est nettement moins réductrice que celle de Santos et Leahy (2014), pour qui la rédaction Web réfère uniquement aux pratiques d’écriture engendrées par les médias sociaux. En outre, le concept de rédaction Web est étroitement lié à celui de rédaction multimodale. En effet, la plupart des documents créés pour le Web présentent au moins deux modes sémiotiques, par exemple le texte et l’image. Comme le souligne Haas: « [w]riters are designers (and users) of multimodal ensembles » (HAAS, 2008, p. 165). Selon Turnley (2011), cette convergence des médias est née de l’intégration massive des TIC dans les activités rédactionnelles.

Notre revue de la littérature ne fait état d’aucune étude sur la caractérisation de la rédaction Web dans la perspective de l’enseignement universitaire. Cela n’est guère étonnant, compte tenu du fait que cette discipline émerge à peine dans les écrits scientifiques. L’étude de Goulet et Pelletier (2014) a tout de même abordé la question des technologies dans l’enseignement de la rédaction, dont la rédaction Web. Plus précisément, ces auteures ont montré que les cours de rédaction dans les universités de l’Ontario1 incluaient des contenus sur la rédaction électronique, sur les médias sociaux et sur les TIC. Toutefois, comme cette recherche ne visait qu’à vérifier la présence des technologies dans les cours de rédaction, elle ne fournit pas d’information précise sur les contenus enseignés en rédaction Web.

Il n’en demeure pas moins que le Web, au sens large, constitue un objet d’étude répandu. Mentionnons premièrement l’ouvrage de Barats (2013), qui décrit et illustre plusieurs méthodes d’analyse du Web. L’ouvrage aborde, entre autres, les approches textométriques, les méthodes d’observation ethnographique et les enjeux éthiques du Web. En deuxième lieu, l’essai de Charest et Bédard (2013) porte sur les racines communicationnelles du Web et des médias sociaux. Ces auteurs ont fait ressortir la nécessité de prendre en compte, dans l’étude du Web, le besoin d’interactivité des internautes. En outre, plusieurs chercheurs se sont intéressés à l’évaluation de sites Web, notamment en ce qui a trait à leur facilité d’utilisation (HUANG; BENYOUCEF, 2014), à la prise en compte des préférences des utilisateurs (BURROUGHS, 2009) et à la qualité des liens hypertextes (PINÈDE; REYMOND, 2013).

Pour sa part, dans une étude en gestion des ressources humaines dans les organisations, Demazière (2007, p. 79) fait ressortir « la variété et la complexité du rôle du rédacteur » dans la conception et la mise à jour des sites Web organisationnels. À partir de résultats obtenus grâce à une étude sur le terrain, elle a dressé une liste des compétences requises et les a organisées selon trois catégories: les savoirs (ex.: orthographe), les savoir-faire (ex.: informatique) et les savoir-être (ex.: autonomie). Bien que l’étude de Demazière (2007) réponde en partie à la caractérisation de la rédaction Web et qu’elle adopte une perspective appliquée, force est d’admettre que les compétences décrites sont générales.

Bien qu’une des caractéristiques fondamentales du Web soit la présence de contenus multimédias, le texte occupe la majeure partie de l’espace dans de nombreuses pages Web. Il est donc logique de situer notre recherche dans le champ de la rédactologie2. Comme le rappelle le site du Réseau de recherches interdisciplinaires en rédactologie3, la rédactologie a pour objet d’étude l’ensemble des connaissances et des processus impliqués dans la production des écrits professionnels. Dans cette optique, notre objet d’étude constitue la production de contenus pour le Web, une forme de rédaction professionnelle.

Parmi les études pertinentes, celle de Kavanagh (2006) souligne que les bases disciplinaires sur lesquelles repose l’expertise du rédacteur Web sont multiples et variées, ce qui résonne avec Demazière (2007). Selon Kavanagh (2006), le rédacteur Web n’est pas seulement un spécialiste de la langue et de la communication écrite, mais aussi un architecte d’information. Il existe bien sûr plusieurs cas de figure. Par exemple, certains rédacteurs peuvent être appelés à participer à toutes les étapes de la création d’un site Web, alors que d’autres se voient confier uniquement le « remplissage » des boites de texte.

Toutefois, la rédaction Web ne serait pas si différente de la rédaction professionnelle ou technique. Toujours selon Kavanagh (2006), seules trois caractéristiques distinguent le document Web de l’imprimé: l’environnement visuel, l’hypertexte et la lecture à l’écran. Kavanagh (2006) critique par ailleurs plusieurs recommandations que l’on peut lire dans les manuels, par exemple la confusion entre le média et le genre, la négligence de l’aspect esthétique, la prédominance du contexte commercial et la présentation trop uniforme du rôle du rédacteur.

Si l’on admet que la rédaction Web est une forme de rédaction professionnelle (KAVANAGH, 2006), il est légitime de considérer également les études antérieures ayant porté sur la caractérisation de la rédaction professionnelle. À cet égard, la plus importante est sans contredit celle de Labasse (2009). Ce dernier a analysé 50 manuels de rédaction dans le but de caractériser l’ensemble des connaissances du domaine de la rédaction. Trois constats sont ressortis de son analyse. Premièrement, la rédaction professionnelle est présentée par les auteurs des manuels comme étant radicalement différente de la rédaction enseignée à l’école. Selon Labasse (2009), on peut voir dans cet état des choses une forme de justification même des manuels. Deuxièmement, les auteurs des manuels de rédaction recourent peu aux autres disciplines scientifiques. Les quelques références rapportées par Labasse (2009), par exemple celle à la linguistique, sont somme toute assez sommaires. Troisièmement, la rédaction n’est réductible à aucun de ses domaines d’application. Ce constat est illustré par le fait que ni la rédaction journalistique, ni la rédaction scientifique, deux domaines d’application de la rédaction, ne présentent des principes de rédaction exclusifs à leur domaine. Enfin, l’étude de Labasse (2009) visait également à identifier des caractéristiques communes, indépendamment des disciplines concernées et des domaines d’application. Conclusion: le principe d’adaptation du texte au destinataire ferait l’unanimité. C’est ce noyau qui constituerait, selon Labasse (2009), l’essence du champ de la rédaction professionnelle.

Partant du fait que la méthodologie utilisée par Labasse (2009) a permis de mettre en lumière plusieurs faits intéressants, nous avons tenté de caractériser la rédaction Web à partir d’une analyse qualitative des sujets abordés dans les manuels de rédaction Web. Le premier objectif de notre étude consiste donc à dresser la liste des thèmes abordés dans les manuels de rédaction Web. Comme deuxième objectif, notre étude vise à déterminer si des sujets communs peuvent être dégagés. Partant de la prémisse selon laquelle la rédaction Web est une forme de rédaction professionnelle (KAVANAGH, 2006), nous posons comme première hypothèse que les manuels de rédaction Web empruntent des principes à la rédaction professionnelle. Toutefois, notre deuxième hypothèse est que même si la rédaction Web emprunte des principes à la rédaction professionnelle, elle implique plusieurs autres connaissances/compétences apparues avec le Web ou issues d’autres disciplines. En outre, nous posons comme troisième hypothèse que le principe d’adaptation au destinataire est prédominant dans les manuels de rédaction Web, à l’instar des manuels de rédaction professionnelle (LABASSE, 2009).

3 Méthodologie

Afin de trouver des manuels sur la rédaction Web, nous avons dans un premier temps effectué une recherche dans le catalogue de la bibliothèque de notre université4. Ensuite, nous avons utilisé Google® comme outil de recherche complémentaire. Les manuels du corpus ont été choisis en fonction des trois critères suivants:

Finalement, le corpus comprend 10 manuels de rédaction Web publiés entre 2009 et 2014, dont 5 manuels européens et 5 manuels américains. La liste est fournie dans le Tableau 1. Par le fruit du hasard, les manuels européens sont plus récents que les manuels américains. Bien entendu, dans une étude à plus grande échelle qui viserait la représentativité, cette variable devrait être contrôlée.

Tableau 1
Liste des manuels de rédaction Web analysés, en ordre chronologique de publication
Titre de l’ouvrage Auteurs Année de publication Lieu de publication
Content strategy for the Web Halvorson, K. 2009 Berkeley
Creating Web pages for dummies Smith, B. E. 2009 Indianapolis
Écrire et manager sa communication Web Adam, A. Aubert, M. Coussement, A. Meuleman, F. Pay, T. 2009 Liège
Lisibilité des sites Web Blond, M.-V. Marcelin, O. Zerbib, M. 2009 Paris
Audience, relevance, and search: Targeting Web audiences with relevant content Mathewson, J. Donatone, F. Fishel, C. 2010 Boston
How to design and write Web pages today Stolley, K. A. 2011 Santa Barbara
Letting go of the words: Writing Web content that works Redish, J. G. 2012 Waltham
Réussir son référencement Web Andrieu, O. 2012 Paris
Bien rédiger pour le Web: Stratégie de contenu pour améliorer son référencement naturel Canivet, I. 2014 Paris
60 règles d’or pour réussir son site Web Hardy, J-M. Lesage, J. L. 2014 Paris
Source: les auteures.

Afin de construire une liste de sujets sur la rédaction Web, nous avons « déconstruit » les tables des matières des manuels. Pour ce faire, nous avons d’abord procédé à un dépouillement systématique des tables des matières, en notant dans un tableau les sujets annoncés. Puis, les sujets qui se répétaient d’un manuel à l’autre ont été fusionnés. Le lecteur doit savoir que dans certains manuels, les tables des matières contiennent parfois des titres plus originaux qu’informatifs. Cela peut s’expliquer par le désir des éditeurs à rendre les tables des matières accrocheuses. Citons par exemple: Why does Web content mostly suck? (HALVORSON, 2009). Nous avons contourné cette limite en consultant également les index des manuels. Ainsi, nous nous sommes assurées que tous les sujets abordés dans les manuels ont été pris en compte. Au besoin seulement, nous avons consulté les contenus des chapitres. Nous avons conséquemment obtenu une liste exhaustive des sujets annoncés dans les manuels. Au final, la liste issue de la déconstruction des tables des matières des manuels de rédaction Web compte 105 sujets.

Une première catégorisation a été effectuée afin de déterminer si les manuels de rédaction Web empruntaient des concepts à la rédaction professionnelle et si certains sujets se rapportaient uniquement à la rédaction Web. C’est grâce à nos expériences combinées – la première auteure est diplômée de linguistique et enseigne la rédaction professionnelle à l’université depuis 2007 tandis que la deuxième auteure est diplômée de rédaction et de traduction, et enseigne la rédaction Web à l’université depuis 2012 – que nous avons pu déterminer à quel domaine se rapportait chaque sujet.

Dans un deuxième temps, les sujets spécifiques à la rédaction Web ont été analysés afin de dégager des catégories plus générales. Pour ce deuxième niveau de catégorisation, nous avons utilisé une grille mixte (LANDRY, 1998), c’est-à-dire que certaines catégories ont été empruntées aux études antérieures (KAVANAGH, 2006) tandis que d’autres catégories ont surgi en cours d’analyse. Nous ne prétendons pas avoir créé des catégories exclusives; cet exercice a plutôt servi à organiser les sujets de façon à reconstruire une table des matières qui serait représentative des 10 manuels de rédaction Web. Le contraire aurait été vain, car le domaine évolue constamment. De plus, si certains sujets appartiennent clairement à une seule catégorie (le langage HTML entre dans la catégorie des aspects techniques), d’autres relèvent d’au moins deux (le thème crédibilité du site se classe aussi bien dans les catégories écriture adaptée au Web, aspects techniques et environnement visuel). Le classement, qui vise à rendre la liste plus digeste, est une tentative d’organisation de la matière à enseigner dans un cours universitaire réservé à la rédaction Web.

4 Résultats et discussion

La recherche présentée dans cet article vise à dresser la liste des sujets généraux à aborder dans un cours de rédaction Web, à partir d’une analyse des sujets spécifiques annoncés dans les tables des matières de 10 manuels de rédaction Web. Ensuite, la recherche vise à déterminer si des sujets communs peuvent être dégagés. Les sujets généraux et les sujets spécifiques sont fournis dans le Tableau 2.

Tableau 2
Sujets généraux et sujets spécifiques annoncés dans 10 manuels de rédaction Web, en ordre alphabétique et accompagnés d’exemples
Sujets généraux Exemples de sujets spécifiques
Aspects techniques HTML, standards techniques, sécurité du site
Conception et cycle de vie du site scénarisation, réutilisation de contenu, évolution du site
Écriture adaptée au Web référencement, impact de la rédaction Web
Environnement visuel ambiance du site, affichage du site
Hypertexte et navigation étiquettes, rhétorique d’arrivée, menus
Lecture à l’écran processus de lecture, différence papier/écran, scannabilité
Markéting retour sur investissement, commande en ligne, concurrence
Nouveaux genres blogue, courriel
Rédaction professionnelle adaptation au destinataire, pertinence du contenu, style
Utilisateur ergonomie, incitation à l’action, persona
Source: les auteures

Comme on peut le voir dans ce tableau, les sujets abordés dans les 10 manuels de rédaction Web ont été répartis dans 10 catégories. D’abord, il faut mentionner la présence de sujets spécifiques se rapportant à la rédaction professionnelle (avant-dernière ligne du Tableau 2), notamment l’adaptation au destinataire, la pertinence du contenu, la lisibilité, l’emplacement des images, la titraille, la qualité de la langue et les questions de style. Notre première hypothèse est donc confirmée: les manuels de rédaction Web empruntent des principes à la rédaction professionnelle. Bien entendu, certaines recommandations doivent être adaptées au Web. Par exemple, alors que pour un document imprimé on recommande habituellement de justifier le texte à gauche et à droite, en rédaction Web on recommande plutôt de le justifier uniquement à gauche, une adaptation qui s’explique par la lecture à l’écran, dont les modalités diffèrent de celles de la lecture sur papier.

Ensuite, notre analyse a permis de dégager neuf autres catégories de sujets: les aspects techniques, la conception et le cycle de vie du site, l’écriture adaptée au Web, le markéting, les nouveaux genres et l’utilisateur. Cette diversité illustre bien la complexité de la rédaction Web telle qu’énoncée dans Demazière (2007) et Kavanagh (2006). Mentionnons également que les trois caractéristiques mentionnées dans Kavanagh (2006), à savoir l’environnement visuel, l’hypertexte et la lecture à l’écran, sont attestées dans les manuels de rédaction Web, du moins ceux de notre corpus.

Nous avons en outre cherché à savoir si, comme dans l’étude de Labasse (2009) sur les manuels de rédaction professionnelle, l’adaptation au destinataire était un sujet clé en rédaction Web. Notre analyse confirme également cette hypothèse. En effet, le principe d’adaptation au destinataire est présent dans les 10 manuels du corpus. Par ailleurs, notre analyse révèle que 6 autres sujets sont communs aux 10 manuels. D’abord, parmi les principes empruntés à la rédaction professionnelle, la pertinence du contenu et le design sont communs aux 10 manuels, en plus de l’adaptation au destinataire. Ensuite, parmi les concepts apparus avec le Web ou issus d’autres disciplines, les sujets suivants sont abordés dans les 10 manuels: l’hypertexte, le contenu centré utilisateur, le blogue et les principes d’écriture adaptée au Web. Les 7 sujets présents dans les 10 manuels pourraient, du moins temporairement, être considérés comme des sujets incontournables à enseigner en rédaction Web. Le Tableau 3 résume les sujets spécifiques communs aux 10 manuels de rédaction Web.

Tableau 3
Sujets spécifiques communs aux 10 manuels de rédaction Web, en ordre alphabétique
Adaptation au destinataire
Blogue
Contenu centré utilisateur
Design
Écriture adaptée au Web
Hypertexte
Pertinence du contenu
Source: les auteures.

De plus, la catégorisation permet de constater qu’une des dix composantes fondamentales du Web, selon les sujets annoncés dans les tables des matières, est la prise en compte de l’utilisateur. Cette observation concorde avec l’une des propositions théoriques de Charest et Bédard (2013) à savoir que le Web répond au besoin d’interactivité des internautes.

5 Conclusion et pistes de recherche

La recherche exploratoire présentée dans cet article a permis de caractériser la rédaction Web. Voici, en guise de résumé, les points à retenir:

La recherche décrite dans cet article présente plusieurs limites, qui sont autant de pistes pour effectuer des recherches complémentaires. Premièrement, nous n’avons étudié que les tables des matières et les index des manuels. Maintenant, nous souhaitons analyser les contenus spécifiques, c’est-à-dire ce que les manuels enseignent effectivement sur chacun des sujets. On peut se demander, par exemple, si les recommandations sont les mêmes d’un manuel à l’autre. De plus, nous souhaitons concevoir un protocole afin de quantifier l’importance de chaque sujet. Une telle analyse quantitative pourrait par exemple s’effectuer en calculant le nombre de pages alloué à chaque sujet dans les manuels. Il serait particulièrement intéressant de quantifier la place de la rédaction professionnelle dans les manuels de rédaction Web.

Deuxièmement, le fait d’avoir utilisé des manuels rédigés par des praticiens fournit des indications sur ce que ces derniers considèrent comme important, à un moment précis dans le temps; dans notre cas, la période s’étend de 2009 à 2014. Dans les recherches futures, il faudrait contrôler la variable temporelle afin de pouvoir documenter l’évolution des connaissances en rédaction Web. De plus, une réflexion plus approfondie doit être entamée afin de déterminer si les recommandations des praticiens sont fondées théoriquement. Selon Labasse (2009), et référant à Khun (1970), « l’accession d’un domaine de connaissance à la maturité suppose l’existence d’au moins un paradigme, c’est-à-dire un consensus sur un noyau de convictions stabilisé servant de référence à une communauté de spécialistes » (p. 244). La réflexion présentée dans cet article laisse entrevoir que l’étude des manuels de rédaction Web pourrait contribuer à identifier les éléments d’un paradigme.

Troisièmement, nous croyons qu’il serait pertinent de réfléchir à la manière d’enseigner cet ensemble de sujets. Nous savons déjà, grâce à notre expérience d’enseignement de la rédaction Web à l’université, qu’un cours de 45 heures est insuffisant pour couvrir tous les sujets. Si, comme dans notre université, les étudiants en rédaction ne suivent qu’un seul cours de rédaction Web, sur quoi l’accent devrait-il être mis? Sur le noyau de connaissances? Une partie de la réponse pourrait venir des milieux de travail, qui annoncent de plus en plus de postes de concepteur-rédacteur Web, sans toutefois oublier la composante théorique, primordiale dans toute discipline. De plus, les rédacteurs professionnels qui s’adonnent à la création de contenus Web pourraient eux aussi contribuer à la compréhension de cette activité, par exemple en participant à des entrevues ou en acceptant d’être observés pendant qu’ils travaillent.

Enfin, nous souhaitons créer des ponts avec les autres paliers d’enseignement. Jusqu’où devrait aller l’enseignement de la rédaction Web à l’école?

Note des auteures

Nous remercions chaleureusement Éric Kavanagh pour ses commentaires sur la première version de cet article.

Références

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Burroughs, J. M. What users want : assessing government information preferences to drive information services. Government Information Quarterly, v. 26, n. 1, p. 203-218, Jan. 2009. Disponible en http://dx.doi.org/10.1016/j.giq.2008.06.003: . Consulté le : 12 jul. 2016.

Canivet, I. Bien rédiger pour le Web : stratégie de contenu pour améliorer son référencement naturel. Paris : Eyrolles, 2014.

CHAREST, F.; BÉDARD, F. Les racines communicationnelles du Web et des médias sociaux. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2013.

DEMAZIÈRE, E. La dynamisation éditoriale. Guide de bonnes pratiques pour la sélection, la formation et la dynamisation des rédacteurs, dans le cadre d’une mise à jour de sites Web décentralisée. 2007. 151 f. Mémoire (Master Professionnel en Web Éditorial) – UFR Sciences Humaines et Arts, Université de Poitiers, 2007.

DUMAS, J. La profession de rédacteur. Montréal : Fides, 2009.

GOULET, M.-J.; PELLETIER, L. Les compétences technologiques des rédacteurs professionnels : résultats d’un sondage pancanadien et analyse des cours offerts dans les universités ontariennes. Revue Internationale des Technologies en Pédagogie Universitaire, Montréal, v. 11, n. 1, p. 61-72, 2014. Disponible en: <http://ritpu.org/IMG/pdf/RITPU_v11_n01_61-2.pdf>. Consulté le: 20 fév. 2015.

Notes

1 L’Ontario est une province canadienne.
2 Dans le monde anglo-saxon, la rédactologie correspond aux writing studies.
3 <http://www.vcharite.univ-mrs.fr/redactologie/>. Consulté le: 15 avr. 2016.
4 <http://biblio.uqo.ca/>. Consulté: 15 avr. 2016.

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